Douleur chronique et plasticité du cerveau (neuroplasticité)
Le rôle de la plasticité du cerveau (neuroplasticité) dans la douleur chronique
La neuroplasticité est la capacité du cerveau à s'adapter et à se modifier en permanence.
Quand enfant, nous apprenons à faire du vélo, des voies neuronales (ou réseaux de neurones) spécifiques se créent dans le cerveau. Ces voies permettent de garder la mémoire du comportement appris. Ainsi, lorsque nous remontons sur un vélo à l'âge adulte après de longues années, il est assez facile de pédaler sans tomber. D'où l’expression : “le vélo, ça ne s’oublie pas!”.
En réalité, des voies neuronales se créent à chaque fois que l’on apprend un nouveau comportement, et c’est également le cas dans le cadre de la douleur. Lorsque nous avons une expérience de douleur, des voies neuronales se créent dans le cerveau, afin de faciliter le traitement de la prochaine expérience. Chez de nombreuses personnes, ces voies sont inactives tant qu’aucune lésion/blessure n’est présente, et la douleur est activée de façon appropriée lorsqu’une telle lésion/blessure apparaît. Au contraire, chez la majorité des personnes souffrant de douleur chronique, ces voies neuronales sont actives malgré l’absence de lésion/blessure. La douleur a été apprise par le cerveau, qui l’active de façon inappropriée. Cet apprentissage résulte notamment de la peur que l’on génère autour de la douleur, la peur d’un problème d’origine structurelle, qui renforce le danger perçu par le cerveau et augmente la douleur. Et plus on fait l’expérience de la douleur, plus ces voies neuronales “s’ancrent”. La douleur devient ainsi une habitude, comme marcher ou faire du vélo peuvent l’être.
La douleur neuroplastique et la notion de danger perçu par le cerveau
La douleur résulte toujours d’un danger perçu par le cerveau. C’est un système d’alarme qui permet de nous alerter en cas de blessure/lésion et de nous mettre au repos pour que la guérison prenne place. Toutefois, chez une personne souffrant de douleur chronique, le cerveau est en état d’hypervigilance et perçoit de façon excessive les dangers. Plus précisément, le cerveau interprète des signaux ordinaires, tels que les sensations corporelles et les émotions, comme des signaux de danger et déclenche en réponse une douleur. Les voies neuronales de la douleur sont donc activées de façon inappropriée, car le danger perçu n’est pas réel.
Les dernières études scientifiques montrent que ce type de douleur, dite neuroplastique, représente la majorité des douleurs chroniques.
Comment diminuer la douleur chronique grâce à la plasticité cérébrale?
Heureusement, tout n’est pas perdu, car le cerveau est extrêmement “malléable”, et il est possible de désapprendre des comportements tels que la douleur.
En effet, en changeant la façon dont une personne perçoit la douleur, il est possible de la diminuer. C’est tout l’objet de la Thérapie de Retraitement de la Douleur (Pain Reprocessing Therapy) développée par le centre de psychologie de la douleur des Etats-Unis. Cette thérapie comprend de nombreux outils dont l’objectif principal est d'apprendre au cerveau que les signaux ordinaires qu’il considèrent comme étant dangereux ne le sont pas. Le patient, au cours de la thérapie, change sa perception de la douleur afin de la percevoir à travers une lentille de sécurité et non de danger, ce qui permet de modifier les voies neuronales dans le cerveau. Les voies de la douleur qui s’activaient de façon inappropriée se désactivent, et des voies neuronales de bien-être et de sécurité se développent.
Cette thérapie de retraitement de la douleur a fait l’objet d’une étude scientifique publiée en 2021 (Effect of Pain Reprocessing Therapy vs Placebo and Usual Care for Patients With Chronic Back Pain A Randomized Clinical Trial; Yoni K Ashar et al.; 2021; JAMA Psychiatry), au cours de laquelle 100 sujets, tous souffrant de maux de dos chroniques, ont bénéficié de la thérapie. Après le traitement, 73% des sujets ont déclaré ne plus avoir de douleur, ou presque ne plus en avoir. Ces résultats ont été largement maintenus 1 an plus tard. Les résultats obtenus avec une prise en charge classique étaient de 10%, et de 20% avec le placebo.
Cette thérapie psychologique représente donc un moyen extrêmement efficace dans la prise en charge de la douleur chronique. Si vous êtes intéressés par cette thérapie ou souhaitez avoir plus d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à prendre rendez-vous ou à me contacter au cabinet.